TROISIÈME PARTIE: LA FORMATION GÉNÉRALE ET LA FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE DES JEUNES HANDICAPÉS
Dans leur lettre de mission. la ministre de l'Emploi et de la Solidarité et le ministre de l’Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie ont demandé aux deux inspections générales de " porter un diagnostic approfondi sur la formation générale et la formation professionnelle des jeunes qui font l'objet d'une décision d'éducation spéciale ", ce diagnostic devant être réalisé tant pour le premier degré d'enseignement que pour le second (ler et 2ème cycles). Les informations qui parviennent aux deux ministères par diverses voies, semblent faire état d'une insuffisance d'exigences à l'égard des élèves handicapés, insuffisance qui se solderait par une faiblesse des niveaux d'enseignement et un manque d'ambition dans les formations professionnelles.
Dans le temps imparti à la réalisation de leur mission, les deux inspections générales n'ont pas été en position d'évaluer, au sens strict, les niveaux d’enseignement et de formation professionnelle. Une telle évaluation, qui relève d'une procédure d'inspection pédagogique sous sa forme la plus orthodoxe, demande des opérations bien spécifiques et une mobilisation d'un nombre important de personnels des corps d'inspection.
Par la démarche d'expertise
qualitative qu'ils ont adoptée, les membres de la mission ont
privilégié l'analyse des composantes des conditions d'enseignement
qui peuvent expliquer et
déterminer les divers niveaux d'enseignement. Ils ont
abordé le sujet par deux voies
- l'audition des
représentants des associations de parents d'enfants
handicapés des associations gestionnaires
d'établissements spécialisés. des organisations
syndicales ainsi que des représentants des deux
ministères concernés ;
- l'observation. sur le terrain, des conditions d'enseignement dans
les divers types
d'établissements - ordinaires et spécialisés -
des deux cycles, des échanges avec des directeurs ou chefs
d'établissement. des enseignants et leurs partenaires
professionnels. ces échanges étant
complétés par des visites de classes et
d'ateliers.
Comme nous l'avons vu dans la seconde
partie. il convient d'énoncer un constat extrêmement
important : l'éducation scolaire constitue un enjeu central et une exigence
absolue pour les parents d'enfants handicapés,
même si des nuances
peuvent être formulées parfois. En témoignent les
déclarations de trois responsables d'établissement en
guise d'illustration
- un directeur d'institut de rééducation expose : " Il
faut effectuer un réel travail avec les parents, leur demande
est de type essentiellement scolaire, il faut expliquer qu'il y
beaucoup à faire dans un ensemble plus complexes) ;
- un directeur complète, " chaque fois qu'il y a un
échec de prise en charge chaque fois les parents mettent en
cause l'échec pédagogique ".
- un psychiatre responsable d'un centre médico-psychologique.
Qui mise d'ailleurs massivement sur la place de l'enseignement dans
le traitement des enfants autistes ou prépsychotiques,
déclare " les enfants gravement perturbés ici, sont des
élèves en classe demande des parents est avant tout
scolaire, lorsqu'ils conduisent l'enfant au CMP, ils parlent
d'ailleurs de leçons de psychothérapie ".
Face à cet investissement
total et compréhensible des parents pour les apprentissages
dits scolaires. il est, inévitable de recevoir des
réactions de déception et d'accusation lorsque les
résultats ne correspondent pas aux attentes. Faut-il aller
vers un constat général de carence dans es
enseignements dispensés ?
1. Les conditions d'enseignement font
l'objet de représentations divergentes
Selon plusieurs témoignages exposés, les conditions d'enseignement sont étroitement liées à la nature et au degré du handicap et déterminent le niveau d'enseignement .Cependant des points de vue peuvent diverger sur les modalités
- Une association interpelle l’Education nationale en lui signalant que les cas. moyens et lourds nécessitent une prise en charge lourde et lui demande d'apporter à chaque type de handicap la réponse appropriée. Cette même association reconnaît d'ailleurs que ses conceptions ont évolué au fil des ans : jusque vers les année 1980, l’Education nationale connaissait un discrédit en son sein et n'avait pas été sollicitée pour la mise en œuvre des textes d'application de la loi de 1975. Mais les parents ont changé et leur demande s'est réorientée vers la présence forte d'instituteurs dans les établissements de l'association.
- Deux autres associations s'accordent pour considérer que les enfants qui peuvent suivre les programmes scolaires doivent être scolarisés dans l'école ou l'établissement de leur quartier quel que soit leur handicap, mais reconnaissent la nécessité de classes ou d'établissements, spécialisés. " Nous ne sommes pas pour l'intégration forcée, il vaut mieux être premier dans une classe spécialisée que dernier dans une classe ordinaire " déclare un représentant. relayé par un autre. " certains enfants ne pourront pas parvenir à une formation secondaire ni professionnelle ".
- Une association va plus loin encore " nous n'avons pas donné de la voix pour que les enfants soient scolarisés, il existe des enfants handicapés non scolarisables et les associations se font du tort lorsqu'elles se font trop intégratives ".
- Une autre en revanche. plaide assez nettement en faveur je l’intégration scolaire l'école maternelle peut accueillir les enfants trisomiques à condition eue les enseignants soient aidés. Après, en école élémentaire. ils seront admis en CLIS avec possibilité d'intégration ponctuelle. Cette association fait état de comportements beaucoup plus développés d'enfants lorsque l'intégration a été mise en œuvre et considère que l'école est un lieu de culture dont ne peuvent être privés les enfants handicapés.
- Une autre association. enfin. mentionne que les élèves handicapés les mieux accueillis sont les handicapés moteurs, puis les sensoriels et " pour qu'ils soient intégrés en collège, il faut qu'ils aient atteint le niveau. mais tout dépend de la taille du collège ".
Devant ces Prises de positions
assez divergentes et ces attentes aussi différentes il
est
difficile de faire
émerger les conditions optimales d'enseignement en faveur des
enfants handicapés encore moins. d'en déduire. Sous une
forme quelconque des conclusions sur le niveau général
d'enseignement.
1.2. Les conditions
d'enseignement sont appréciées à l'aune des
contenus définis eux-mêmes par les
programmes.
La représentante de la direction de l'enseignement scolaire au ministère de l’Education nationale. de la Recherche et de la Technologie a fait observer à la mission qu'en France, la référence est constituée par les programmes nationaux, valables pour tous les élèves. NI compris les élèves handicapés ; pour ces derniers. c'est la pédagogie qui doit être adaptée. Dans certains pays étrangers (Belgique, Québec par exemple), les conceptions sont différentes. ce sort les curricula qui sont adaptés aux élèves handicapés.
Le choix effectué par la France semble convenir aux représentants des associations reçues, il correspond à une volonté d'amener les enfants handicapés à suivre le même cursus que leurs pairs. Cependant, dans ce domaine également. des dissonances se font jour, dans la mesure où l'adaptation de la pédagogie est souvent considérée comme insuffisante.
Ainsi un représentant met en cause les enseignements en classes d'intégration scolaire, pourtant explicitement référencés aux programmes de l'école élémentaire, et déclare que " les CLIS sont largement inadaptées au handicap mental, par le programme appliqué : il existe des jeunes apprenant à lire à 16 ans ! ". Il regrette que les recommandations formulées dans le rapport 1995 de L'inspection générale de l’Education nationale sur les CLIS n'aient pas été prises en compte pour améliorer le fonctionnement de ces classes.
A l'opposé, les représentants d'une organisation syndicale déclarent que " les parents sont satisfaits globalement des enseignements mais ils demandent que leurs enfants suivent leur classe d'âge et là, c’est plus difficile ".
Par delà ces divergences, se
pose le délicat problème de l'accès aux
apprentissages. L'éducabilité de tous les
handicapés étant fixée comme un principe, force
est d'admettre que la construction des apprentissages prend des
formes différentes, des temps de réalisation
différents et que l'acquisition, parfois tardive, de
compétences ne préjuge pas de possibilités ce
progrès futurs. L'apprentissage de la lecture est toujours
placé en perspective de toute mise en œuvre d'actions
pédagogiques.
Entre les insuffisances,
réelles ou supposées, d'adaptation de la
pédagogie possibilités des élèves
handicapés et la volonté de suivre les programmes
"comme les autres" ce qui pourrait revenir à nier le
handicaps, les risques d'incompréhension peuvent être
nombreux et les jugements parfois hâtifs ou infondés.
Cependant tous les interlocuteurs s'accordent pour considérer
que si, en école primaire. il est encore possible de
procéder aux ajustements nécessaires, à partir
du collège, les programmes sont très denses, et le
niveau assez élevé ne peut être maintenu que si
les élèves handicapés ont les
possibilités intellectuelles pour les suivre et s'ils à
une aide appropriée.
Dans la partie précédente. cet aspect a été abordé. Mais il est important d'analyser les points de vue des différentes catégories de personnes auditionnées sur ce sujet. ils constituent un paramètre essentiel dans les appréciations qui peuvent être portées sur le niveau d'enseignement,.
La présence d'enseignants pour assurer l'éducation scolaire des jeunes handicapés est régulièrement sollicitée et souvent appréciée. Une association gestionnaire d'établissements constate avec satisfaction l'impact d'instituteurs publics dans les classes existantes. Mais cet état de grâce n'est pas partagé par tous. Plusieurs associations déplorent que le personnel enseignant ne soit pas toujours spécialisé et l'une d'elle constate que, si les enseignants sont spécialisés, ils ne le sont pas toujours suffisamment. Et de citer les CLIS 3 pour enfants aveugles ou malvoyants, tenues par des enseignants qui ne maîtrisent pas complètement le braille. Cette remarque vaut aussi pour les maîtres spécialisés. enseignant aux sourds ou malentendants, et qui ne dominent pas suffisamment certains moyens de communication comme la langue des signes française (LSF) ou le langage parlé complété (LPC).
Par ailleurs, les
représentants d'une organisation syndicale constatent que dans
les établissements spécialisés, les enseignants
acquièrent une culture spécifique qui les amène
à considérer qu'ils changent de mission et qui les
éloigne des références et des exigences
scolaires. On ne peut s'étonner alors de l'interrogation
posée sur le niveau d'enseignement dans certains
établissements.
Enfin, plusieurs associations sont préoccupées par la
faiblesse de l’enseignement professionnel dans les
établissements spécialisés et questionnent le
niveau de recrutement des éducateurs techniques
spécialisés.
Ce problème est abordé, plus largement d'ailleurs par
un représentant institutionnel qui dénonce le fait que,
dans le cadre de l'application de la Ici de 1975, la circulaire
n°78-18X et 33 AS du 8 juin 1978 relative à la prise en
charge par le ministère de l’Education des personnels
enseignants des classes, établissements ou services
spécialisés pour enfants et adolescents
handicapés écarte "dans la phase actuelle de mise en
place... :
- les personnels dispensant à titre principal leur
enseignement dans les disciplines ci-après : dessin.
éducation musicale, éducation physique, enseignement
ménager. enseignements pratiques concourant à la
première formation professionnelle ;
- éducateurs de jeunes enfants
et jardinières d'enfants
- enseignants pour aveugles et sourds des établissements
nationaux. départementaux et privés à prix de
Journées ".
A l'évidence, tous les interlocuteurs souhaitent améliorer la formation des enseignants y compris dans des secteurs très spécifiques et, par delà leurs déclarations, se dessine la nécessité de mettre en cohérence !es diverses formations et d 'adapter l'exercice des différentes professions à des exigences actuelles en matière de formation générale et professionnelle.
1.4. Une diversité d'appréciations du niveau d'enseignement
Interroger les représentants
d'associations et d'organisations syndicales sur les conditions
d'enseignement peut difficilement se réaliser sans que soit
abordé, même de manière allusive le niveau d'enseignement. La mission insiste cependant sur le fait qu'il
ne s'agit pas d'une évaluation mais d'une analyse de
témoignages donc d'un
travail sur des représentations.
Certes. dans une appréciation quelque peu globalisante et
réductrice. sans démonstration probante. certains
représentants d'associations jugent le niveau d'enseignement
"catastrophique" Mais cette appréciation est peu
fréquente et la plupart des responsables nationaux
d'association ont rencontré. lors de leurs
déplacements. des témoignages positifs. L'un d'eux
déclare " Pendant longtemps nous n’avons pas eu
suffisamment d'ambition pour les élèves
handicapés. La situation a changé. Il ne faut pas avoir
d'exigences uniformes, certains inspecteurs de l’Education nationale
sont attachés à un niveau atteint qui sert de
verdict ". Un autre complète: " Dans les centres
d'éducation motrice, on connaît de très bons
niveaux d'enseignement général et
spécialisé. s'il existe un travail
d'équipe ".
Le niveau d'enseignement varie selon
le type d'établissement, et les représentants syndicaux
de corps d'inspection se gardent de généraliser : "
Tout dépend des personnes qui enseignent. Dans les
établissements spécialisés, avec des
instituteurs formés. le niveau est bon, surtout si la
circulaire co-signée du 30 octobre 1989 est appliquée
avec vigilance ".
Mais pour certains, il est parfois difficile de faire
reconnaître la place de l'enseignement. Dans certains
établissements spécialisés, le pouvoir semble
être entre les mains des psychiatres : de ce fait,
l'école est symbolique et le temps scolaire réel est
très faible.
Cette diversité d'appréciations se retrouve au sujet de la formation professionnelle. Si, comme l'indique une association, longtemps l'enseignement professionnel pour les adolescents handicapés s'est maintenu dans des formations manuelles devenues obsolètes et a stagné. actuellement l'orientation vers des formatons qualifiantes est développée et une association déclare que, dans ses établissements accueillant des jeunes handicapés moteurs, " les enseignants se sont formés aux pédagogies spécialisées, les formations professionnelles sont de bon niveau et débouchent parfois sur des baccalauréats professionnels, dans des formations efficaces ".
La situation est présentée moins favorablement dans les établissements pour jeunes handicapés mentaux, notamment pour les raisons invoquées ci-dessus (cf 1-3) et une absence de formation qualifiante est dénoncée par une organisation syndicale qui demande que l’Education nationale inscrive ce problème dans ses préoccupations. L'espoir d'ouverture crée par les sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) est rapidement déçu devant les résultats: l'enseignement professionnel est insuffisant. même si les équipes sont motivées. Les jeunes ne sont pas toujours en mesure de faire face aux exigences des formations proposées et aux contraintes des examens professionnels.
Un autre grief est évoqué assez fréquemment : les formations professionnelles ne sont pas suffisamment en prise avec le bassin d'emploi et la chargée de mission pour l'emploi des personnes handicapées au sein de la direction générale pour l'emploi et la formation professionnelle. souhaite que soit levé le cloisonnement entre les instances qui s'occupent de la scolarisation et celles qui travaillent sur l'emploi.
.A l'issue de l'analyse des témoignages des différents
interlocuteurs des membres de la
Mission, il est difficile de dégager des tendances fortes sur
les conditions d'enseignement réservées aux enfants et
adolescents handicapés. Les points de vue sont assez
divergents sur tous les domaines analysés . attentes scolaires
en fonction du handicap, adaptation des programmes d'enseignement,
qualité de la formation des enseignants, approche du niveau
d’enseignement. Y compris dans le domaine professionnel. Tirer une
conclusion générale sur l'insuffisance du niveau de
formation générale et de formation professionnelle
serait pour le moins hâtif, cependant, cette brève
étude montre que les informations parvenues aux cabinets des
ministres concernés doivent être
relativisées
L’analyse des observations effectuées sur le terrain et des échanges avec les professionnels devrait permettre d'affiner ces premières constatations.
2. Les conditions d'enseignement
observées sur le terrain, souvent favorables, parfois
difficiles, dans quelques cas inacceptables
Pour mémoire. rappelons que l’Education nationale destine 36 000 postes d'enseignants à l'éducation des élèves en difficulté et des élèves handicapés. 29.000 sont tenus par des personnels spécialisés, 7000 par des maîtres non spécialisés. On trouvera en annexe le détail de la répartition par niveau d'enseignement et type de structure.
Pour la clarté de l'analyse, il convient de faire la distinction entre d'une pari, les observations effectuées dans les établissements ordinaires qui accueillent des élèves en intégration scolaire. d'autre part. celles qui sont réalisées dans les établissements spécialisés visites.
2.1 Les conditions d'enseignement dans Ici actions d'intégration scolaire
Il paraît opportun de traiter le sujet par niveau. d'enseignement.
2. 1. 1. En école maternelle, des conditions souvent favorables
Les membres de la mission n'oublieront pas la visite qu'ils ont effectuée dans une école maternelle rurale située à une vingtaine de kilomètres d'une agglomération urbaine. qui accueille sept enfants sourds répartis dans deux classes. L'action d'intégration observée est le fruit d'un lent processus qui a mûri simultanément à la construction de la nouvelle école. Les enseignantes. un peu réticentes au début. sont complètement parties prenantes de la prise en charge des enfants. Des projets personnalisés ont été élaborés. Cette action est réussie grâce à la compétence et à l'engagement total de la directrice qui l'a inscrite dans le projet d'école, et à la participation suivie ces personnels spécialisés d'un institut national de jeunes sourds voisin (INJS). Les parents ont été également sensibilisés et sont devenus des partenaires à part entière pour la bonne réalisation de cette action, soutenue par la municipalité.
Le problème du respect des programmes ne se pose pas vraiment ici les enfants 'handicapés suivent les mêmes activités que les autres enfants de la classe : simplement la maîtresse gère différemment ses séquences pédagogiques en se plaçant toujours face aux enfants. et en adoptant des gestes plus précis, plus expressifs ainsi que quelques éléments de langue des signes (LSF). Les enfants sourds possèdent un carnet de liaison. comme les autres, ainsi qu'un livret scolaire remis chaque trimestre aux parents.
Les enseignantes n'ont pas eu de formation spécifique. elles bénéficient des apports complémentaires des orthophonistes et des autres spécialistes de l'INJS. En outre. elles accueillent des professeurs des écoles stagiaires qui veulent se sensibiliser à l'intégration.
Cet exemple qui n'est pas unique et qui a été observé ailleurs avec quelques variantes, illustre parfaitement les capacités d’ouverture et d'accueil des écoles maternelles en France . Ce qui' est réalisé ici peut l'être ailleurs et pour tout type de handicap si toutes les conditions sont réunies,à l'instar de ce qui a été présenté. D'ailleurs. dans celle école, est intégré également un enfant trisomique suivi par un SESSAD.
2.1.2. En école élémentaire, les dispositifs de soutien ont un rôle déterminant
Dans le cadre des intégrations individuelles
En école élémentaire. les élèves handicapés engagés dans une démarche d’intégration individuelle suivent normalement les enseignements dispensés dans la classe à laquelle ils appartiennent. Généralement, les enseignants sont très attachés à la recherche de l'acquisition des compétences pour l'ensemble de leurs élèves. Les observations effectuées montrent précisément que les élèves handicapés, lorsqu'ils parviennent à suivre les activités d'enseignement, réussissent correctement. Pour certains, il faut plus de temps, et la référence à l'âge devrait être relativisée, ainsi que le préconisent les circulaires de 1982 et 1983.
Mais la réussite est conditionnée par les aides substantielles apportées aux enseignants. À titre d'exemple, citons le cas d'enfants sourds intégrés dans un CM2, régulièrement assistés par une institutrice spécialisée et l'orthophoniste du SSEFIS ; la maîtresse de la classe reconnaît qu'en l'absence des deux professionnels cités, les enfants travaillent beaucoup moins et ne font pas les acquisitions de leurs camarades, ce qui se traduit par certains écarts dans les évaluations régulières auxquelles ils participent.
À plusieurs occasions, il a été possible de constater le rôle que pouvaient jouer les spécialistes (orthophonistes, éducateurs spécialisés) ou les enseignants affectés aux services de soins spécialisés dans l'accompagnement scolaire des enfants intégrés. Des instituteurs spécialisés ont montré qu'ils travaillaient en relation étroite avec le maître de la classe, suivaient la même progression et répondaient à des demandes spécifiques (participation à des séquences pour coder en LPC. reprises de séquences ou de notions non acquises ... ).
Lorsqu'il s'agit d'enfants handicapés mentaux ou présentant des troubles importants de la personnalité ou du comportement, le respect des programmes est plus aléatoire. il est assujetti à une adaptation des pratiques pédagogiques mais aussi à un allégement obligé des contenus. Ce qui pourrait passer pour un manque d'exigence est en fait une mise en adéquation. empirique et sans doute imparfaite, des activités de la classe aux potentialités disponibles des élèves. Les services de soins spécialisés peuvent être d'un indéniable secours, de même que les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). L'accompagnement des élèves handicapés en intégration est inscrit explicitement dans les tâches des psychologues scolaires (circulaire du 10 avril 1990) et des maîtres spécialisés chargés des aides à dominante rééducative (circulaire du 9 avril 1990). Or. force est de constater que l'intervention de ces personnels dans ce domaine est très limitée dans toutes les écoles visitées.
Dans le cadre des intégrations collectives
À l'école élémentaire, les classes d'intégration scolaire (CLIS) et les classes intégrées du type "classes thérapeutiques" constituent les lieux institutionnels d'intégration des élèves handicapés. Ce qui est dit pour les actions d'intégration individuelle peut être repris dans ce cadre. Cependant. les enfants qui fréquentent ces classes n'ont pu être placés en intégration individuelle. pour des raisons diverses certes - parfois refus de l'accueil de la part des maîtres des classes ordinaires -, mais surtout parce qu'ils présentent un handicap plus lourd. À l'évidence. les conditions d'enseignement sont plus complexes et le niveau souhaité n'est pas forcément atteint.
Les membres de la mission ont
été amenés à visiter plusieurs CLIS. Dans
une ville d'une grande importance. ils ont pris contact avec une
école accueillant trois CLIS 4 (pour enfants handicapés
moteurs). Ils ont été surpris de constater qu'aucune
relation n'était prévue avec les classes ordinaires ni
qu'aucune intégration, même partielle, n'était
engagée pour certains élèves. pourtant
performants dans certains domaines. En outre. le directeur
reconnaît que les parents interviennent souvent en
considérant que les heures d'enseignement sont trop
réduites, parce que amputées, à l'excès
selon eux, par les actions de soins. Par delà le niveau
d'enseignement. se pose de manière régulière, la
coordination entre les activités scolaires et les
interventions thérapeutiques, Certes. ces dernières ne
peuvent être dispensées uniquement en dehors des heures
d'école mais. ce qui n'est pas un problème dans
certains situations, devient un sujet majeur, susceptible d'engendrer
des crises. dans d'autres. La scolarisation des élèves
en pâtit toujours.
Les CLIS 1, pour enfants présentant des retards ou des troubles mentaux, tentent ce s'inscrire dans le champ de la circulaire du 18 novembre 1991. Les maîtres s'appuient sur les programmes de l'école primaire pour se rapprocher le plus possible du cursus scolaire, mais ils déclarent que leurs préoccupations sont centrées plus sur les procédures d'apprentissages que sur les objectifs. Ils citent des cas d'intégration partielle dans les classes ordinaires pour certaines matières. par exemple en mathématiques ou "éveil", mais ils avouent que les vraies difficultés rencontrées portent sur l'apprentissage de la lecture et, plus largement. la maîtrise de la langue. Ils parviennent à faire atteindre, pour les plus performants, le niveau début du cycle III (CE 2) de l'école primaire. %lais, sans doute. se pose ici la question de la formation ces enseignants.
Les classes thérapeutiques méritent une attention particulière. Dans une agglomération importante. un centre médico-psychologique dirigé par un professeur de renom. a conduit une politique volontariste de scolarisation d'enfants autistes ou prépsychotiques. Si dans un premier temps, ces enfants avaient été intégrés dans des classes de perfectionnement, l'absence d'exigence dans le domaine scolaire a conduit les initiateurs à faire créer des classes thérapeutiques intégrées Les activités scolaires étant reconnues comme partie intégrante de la thérapie, un travail approfondi ' coordonné, a été conduit par des enseignants compétents. motivés, et des professionnels de la thérapie. Les résultats sont remarquables, et des intégrations individuelles sont tentées. au cas par cas. dans les classes ordinaires.
Dans les CLIS. l'évaluation du niveau des élèves se fait à partir des projets individuels préparés par le maître. Certes, les exigences scolaires ne sont pas perdues de vue. mais il s'agit surtout d'apprécier les progrès de chaque élève par rapport à lui-même. Un maître nous déclare : Je rédige un dossier régulièrement communiqué aux familles, mais qui ne reprend pas les rubriques de l'enseignement ordinaire. les parents entendent un discours qui n'est pas négatif ".
Dans tous les cas d'intégration collective, le niveau d'enseignement est conditionné par la présence d'enseignants spécialisés, qui coordonnent leur action avec des professionnels des services de soins et qui ont pour perspective, chaque fois qu'il est possible, l'intégration individuelle dans les classes ordinaires.
2.1.3. En collège, un
accompagnement et un partenariat renforcés. gages le
réussite
Dans le cadre des
intégrations individuelles
De même qu'en primaire, les élèves intégrés individuellement en collège, essentiellement des handicapés sensoriels et moteurs, suivent normalement les enseignements dispensés. Mais la densité de ces enseignements, la multiplicité des professeurs, le nombre plus important d'élèves des établissements dans le second degré. rendent l'intégration plus délicate. Comme en primaire et plus encore, l'accompagnement des élèves par des personnes ressources et des personnels de services spécialisés constitue une garantie de la réussite. Les membres de la mission ont pu constater des intégrations réussies de collégiens sourds ou handicapés moteurs dans des collèges, dès lors que les conditions matérielles étaient réunies. A titre d'illustration, citons le cas d'adolescents intégrés dans un collège, voisin d'un établissement accueillant les enfants et adolescents handicapés auditifs, visuels et moteurs : une convention passée entre les deux institutions permet d'accueillir des élèves handicapés à tous les niveaux de classe. avec des interventions bien coordonnées de spécialistes ; ces élèves bénéficient en outre de deux heures hebdomadaires de soutien scolaire. Ils ont 100 % de succès au brevet des collèges ainsi qu'aux autres examens. Le niveau d'enseignement est donc très bon.
A contrario, dans un autre contexte, il nous a été rapporté le cas déjà évoqué ci-dessus d'une jeune aveugle de 12 ans, excellente élève en classe de 6 ème, qui a été contrainte de redoubler sa classe parce que l'équipe enseignante de la classe de 5 ème n'était pas prête à l'accueillir, et qui a finalement rejoint, avec un profond regret, un établissement spécialisé. Cette situation inadmissible ne devrait pas se produire et montre qu'il ne suffit pas à un élève handicapé d'avoir un bon niveau scolaire pour être intégré.
Les adolescents handicapés mentaux intégrés individuellement au collège. le sont en section d'enseignement général et professionnel adapté. Dans, un département rural. les membres de la mission ont pu observer des intégrations réussies à la SEGPA d'une cité scolaire collège. lycée. lycée professionnel) à partir d'un institut médico-éducatif proche. La preuve en est donnée par les réussites au certificat de formation générale (CFG) : l'an dernier, 13 candidats venant de l'IME sur 18 ont été reçus à cet examen. L'évolution assez spectaculaire d'une fillette est présentée, elle se concrétise par une intégration en 4ème d'aide et de soutien au collège, après un travail thérapeutique efficace sur la libération du poids familial et social.
Le succès de ces intégrations et le bon niveau d'enseignement sont atteints. là encore. grâce à un travail de collaboration soutenu entre les deux établissements. En SEGPA. l’enseignement général ne pose pas de problème et les professeurs d'enseignement professionnel sont exigeants sur les savoir - faire, ils sollicitent beaucoup les élèves. Par ailleurs, le directeur de l'IMP met l'accent sur " le travail d'accueil et de récupération au retour du collège et la reprise du travail scolaire ".
Dans Ie cadre des intégrations collectives
Au collège
l'intégration collective, se réalise dans les
unités pédagogiques d'intégration (UPI). Ces
unités. créées par la circulaire du 17 mai 1995,
restent encore rares (52 à la rentrée 9899, accueillant
446 élèves). Les membres de la mission ont pu en
visiter cinq. installées dans des collèges de grandes
villes ou agglomérations. Le fonctionnement de ces cinq UPI a
paru remarquable. Les adolescents accueillis présentant, dans
trois d'entre elles, des troubles mentaux gaves (autisme. psychoses)
et dans les deux autres. des déficiences intellectuelles
avérées. suivent un enseignement dispensé par un
maître spécialisé et sort pris en charge. par
ailleurs, par des services de soins. Il est difficile ici de parler
de niveau scalaire, l'impact de l'enseignement étant
évalué sur des critères de participation aux
activités proposées, de comportements adaptés.
de socialisation et de progrès personnels ; des progrès
lents mais effectifs ont été observés. Il faut
noter à titre d'exemple. dans une UPI, le rôle positif
joué par an aide éducateur recruté sur profil et
assurant d'une part
un accompagnement des
activités informatiques, d'autre part, un encadrement des
activités d'horticulture réalisées dans les
ateliers d'une SEGPA.
Ces UPI n'existeraient pas et les élèves seraient
vraisemblablement en hôpital psychiatrique ou en
établissement spécialisé si, dans chaque
collège, le chef d'établissement n'avait pas inscrit
leur fonctionnement dans le projet d'établissement et s'il
n'avait pas mobilisé ses collaborateurs, l'équipe des
professeurs et les parents d’élèves. Un travail
considérable a été réalisé avec
les responsables du secteur médical pour que ces
élèves soient des collégiens à part
entière.
En collège les adolescents handicapés trouvent leur place et bénéficient des enseignements dispensés si les conditions requises à l'école primaire sont reproduites et renforcées. Une forte implication des personnels des établissements et un travail de collaboration suivi avec les spécialistes des services de soins permettent à ces élèves de tirer le maximum de profil de leur scolarité en collège, même si les résultats atteints ne sont pas toujours ceux qui peuvent être attendus à ce niveau du cursus scolaire. Cette situation pourrait être améliorée si les enseignants recevaient une formation complémentaire, ce qui est régulièrement sollicité.
À la frontière du handicap, se pose le problème de la scolarisation des jeunes adolescents en rupture complète avec l'institution scolaire et parfois déscolarisés. Ces jeunes qui. ainsi qu'il a été évoqué dans l'introduction, ne relèvent pas du champ du handicap. appellent ,Pourtant une prise en charge très spécifique. sur le mode de celle qui est adoptée pour les handicapés.
Présentant souvent des
troubles du comportement importants. ces jeunes ont une histoire
extrêmement lourde qui s'inscrit dans une pathologie sociale
manifeste et. dans certains cas sur un fond de pathologie mentale.
Ils sont scolarisés dans des classes relais ou. plus
précisément des dispositifs
relais créés
à titre expérimental depuis 8 ans et dont le
fonctionnement a été précisé par une
circulaire du 12 juin 1998. La scolarisation, toujours temporaire.
assurée dans des locaux situés soit au sein du
collège soit à l'extérieur. vise. par la
restructuration des apprentissages et de la scolarisation.
L’intégration dans les classes normales de collège.
Tenus souvent par des maîtres spécialisés
auxquels sont associés des professeurs de collège, les
dispositifs relais engagent un travail de partenariat soutenu entre
l’Education nationale. ]a Protection judiciaire de la jeunesse et les
collectivités territoriales municipalités et conseil
.général. La réussite ce ces classes, sans
être spectaculaire, est encourageante. elle plaide pour leur
développement et. à l'heure actuelle. il est possible
de faire état de dispositifs de cette nature. certains pouvant
évoluer vers aaa terme d’internats relais.
2.1.4. En lycée, des intégrations individuelles très rares niais souvent réussies
Dans le second cycle du second
degré, les élèves handicapés sont
essentiellement en intégration individuelle et suivent les
cours dispensés à leurs camarades. S'ils sont parvenus
au Lycée, les problèmes qu'ils rencontrent sont avant
tout d'ordre technique et d'adaptation pédagogique. Un
lycée accueillant des adolescents aveugles ou mal voyants
à été visité. Les dispositions prises
pour favoriser la scolarisation de ces jeunes sont assez
remarquables. Un service spécialisé effectue les
transcriptions en braille, le matériel informatique
spécifique est présent et régulièrement
utilisé et un instituteur spécialisé assure
l'accompagnement scolaire Les professeurs rencontrés
témoignent d'un souci réel d'adapter leur
pédagogie à la spécificité des
élèves et pratiquent des évaluations qui, tout
en tenant compte de l'existence du handicap, respectent les exigences
de niveau scolaire.
Il est intéressant de relever que, dans ce cas, le proviseur
ne souhaite pas voir des professeurs de son lycée se
spécialiser, " Accueillir les élèves
handicapés est l'affaire de tout professeur"
déclare-t-il, il aimerait cependant qu'ils puissent compter
sur des relais pédagogiques pour un complément de
travail après les cours. L'intervention d'un instituteur
spécialisé, malgré une bonne volonté
évidente, s'avère insuffisante à ce niveau
d'enseignement et une aide pédagogique et technique propre au
second degré serait la bienvenue.
2. 2. Les conditions d'enseignement dans les établissements spécialisés : le pire et le meilleur
Dans ce domaine. les membres de la mission ont pu observer le pire et le meilleur. Une grande diversité existe, ce qui exclut un jugement global et, pour la clarté de l'exposé, la distinction sera faite en fonction des types de handicap.
2.2. 1. Etablissements pour handicapés moteurs: une certaine disparité
La mission a visité un établissement qui ne devrait plus exister. Présenté comme un collège pour handicapés moteurs, il accueille 38 enfants de la 6 ème à la 3 ème, et est installé dans une école primaire sous la responsabilité d'un directeur d'école. Ni établissement spécialisé ni collège, il fonctionne de manière isolée, sans conseil d'administration ni conseil d'établissement. Les élèves n'ont aucun contact avec les élèves de l'école (sauf aux repas !) ni avec les élèves des collèges voisins. L'enseignement est dispensé par des professeurs sans spécialisation particulière sauf. pour certains. une expérience de 30 ans dans l'établissement ! Le projet d'école est essentiellement orienté vers la demande de moyens en informatique. Aucune intégration n'est prévue, " Les enfants n'ont pas le niveau et les parents ne le demandent pas " nous déclare le directeur. Les sorties, après la classe de 3 ème se font vers des établissements d'enseignement général ou professionnel de la région. Les problèmes majeurs de sécurité ajoutent à l'indigence des prestations de l'établissement et plaident en faveur d'un arrêt de son fonctionnement.
À l'opposé. les membres de la mission ont visité deux autres établissements beaucoup plus actifs. où la scolarisation est bien organisée et efficiente, réalisée par des maîtres possédant une bonne spécialisation et se donnant pour objectif les progrès scolaires et professionnels des élèves, La référence aux programmes scolaires est explicite et une grande diversité des modes de scolarisation est recherchée : classes à l'intérieur de l’établissement, intégration dans les classes ordinaires des écoles ou collèges voisins. formation professionnelle dans une section interne OU Vers des formations professionnelles adaptées, scolarisation par le CNED si nécessaire (notamment pour les formations de BEP tertiaire). Là encore, le rôle des emplois-jeunes a été souligné. notamment pour ce qui concerne la reprise des travaux hors temps scolaire Les évaluations sont régulièrement pratiquées. y compris les évaluations nationales, et les élèves possèdent un livret scolaire au mène titre que leurs camarades.
Peut-être cependant. peut-on percevoir, dans un établissement, une amorce d'effet ce filière : la section technique semble ignorer le brevet de première formation professionnelle. créé a l'échelon régional pour les élèves en formation professionnelle dans les institutions. et propose des formations qui conduiront les jeunes au CAT avec de modestes perspectives d'évolution.
2.2.2. Etablissements pour déficients sensoriels. contexte assez favorable
Les contacts qu'a eus la mission avec des établissements accueillant des jeunes sourd s ou déficients auditifs, que ceux-ci soient en intégration ou en institution, montrent que les conditions d'enseignement et, par conséquent les niveaux, sont tout à fait corrects et répondent tant aux possibilités des élèves qu'aux attentes des parents, y compris dans le domaine professionnel'. Les observations effectuées sur les relations établies entre les professionnels des INJS et les enseignants de l’Education nationale. notamment dans le cadre des actions d'intégration, amènent les membres de la mission à s'interroger sur l'opportunité de l'existence d'une différence de formation entre les professeurs relevant du ministère des Affaires sociales et les enseignants spécialisés relevant de l’Education nationale. Le moment semble être venu de prévoir une formation commune. d'un bon niveau, incluant l'expertise acquise dans ce domaine par les deux ministères.
Les mêmes observations sont à formuler pour ce qui concerne l'accueil des enfants et adolescents déficients visuels. Les établissements visités par les membres de la mission ont révélé un souci de conduire un enseignement conformément aux programmes nationaux. La volonté d'intégration des élèves dans les structures ordinaires d'enseignement est affichée et concrétisée par des actions parfois remarquables. À titre d'exemple, dans un établissement régional d'enseignement adapté. citons le cas de 12 enfants braillistes intégrés disposant d'un bloc-notes braille informatique. et qui communiquent leurs devoirs à l'établissement par internet Le seul frein mentionné à l'intégration, se situe dans le fait que les frais supplémentaires engendrés par le dispositif sont imputés sur le budget de l'établissement : l'intégration est donc vécue, au sein de l’établissement comme une opération "concurrentielle". Par ailleurs, l'effet de filière est difficilement évitable dans cet établissement qui possède, après les classes de collège, 2 classes technologiques et 6 sections de lycée professionnel.
2.2.3. Etablissements pour handicapés mentaux. des conditions à améliorer
Dans ce secteur. l’analyse des conditions et des niveaux d'enseignement s'avère plus complexe. Elle doit tenir compte des contenus et des modalités d'enseignement dispensé. de la formation des personnels. mais aussi des potentialités disponibles des jeunes.
Le sujet a été
régulièrement abordé dans les
établissements visités. L'argument avance
d’emblée le plus souvent a été l'inscription du
projet scolaire dans la prise en charge globale de l’enfant ou de
l'adolescent. l'enseignement n'étant qu'un outil. parmi les
autres, d'une action complexe qui recherche l'évolution de la
personne. Un directeur d'établissement définit
même un ordre de priorité: " La prise en charge est
globale, il faut résoudre les difficultés de l'enfant
avant de traiter le scolaire. il existe une chronologie, le soin est
privilégié dans un premier temps ". Pour lui.
l'objectif est de préserver les acquis chez le jeune et de le
faire progresser si possible. L'évaluation des progrès
scolaires n'est pas faite de manière spécifique, elle
fait partie d'un ensemble : à la fin de chaque trimestre, un
bilan global est transmis aux parents.
Un autre directeur faisant référence aux trois cycles
de l'école primaire. situe les enseignements le plus proche
possible de; programmes, mais il constate que les exigences scolaires
sont parfois trop élevées et les bulletins trimestriels
rédigés sont à la fois scolaires.
éducatifs et thérapeutiques.
Dans un autre établissement c'est l'exercice de la fonction
d'enseignant qui a paru défaillante. Le directeur d'un IR,
lassé d'accueillir sur les postes mis à disposition des
instituteurs publics non spécialisés et mutant chaque
année, a obtenu la mise en place de postes d'enseignement
privé ; il dispose ainsi de personnels de statut privé,
encore moins spécialisés puisque 5 sur 7 ne
possèdent pas le CAP d'instituteur. Mais ces enseignants, qui
sont tenus de rester sur leur poste au risque de perdre tout emploi,
participent à la mise en œuvre du projet
d'établissement défini par le directeur, et appliquent
des méthodes pédagogiques bien particulières
auxquelles ils ont été formés par un organisme
extérieur.
Le pire a été observé dans un
établissement d'une grande ville, avant un agrément
qui' ne trouve pas son équivalent dans les annexes XXIV: "
Enfants présentant de grandes difficultés dans le
domaine des apprentissages, en relation avec des troubles de la
personnalité. et/ou des troubles organiques. et/ou des
carences affectives ". Derrière cet intitulé original,
se cachent des enfants présentant des formes de
déficience intellectuelle - diagnostiquées a posteriori
par un psychiatre pour des besoins de prise en charge CDES -,
associées à des troubles importants de la conduite et
du comportement. et à des situations familiales
insupportables. S'agissant des conditions l'enseignement, les membres
de la mission ont découvert une situation aberrante : un seul
enseignant est détaché dans cet établissement
qui accueille 48 enfants, garçons et filles de 6 à 14
ans. Seuls 26 enfants sont scolarisés. mais à temps
partiel et répartis en trois groupes : les plus performants
bénéficient de 3 heures d'enseignement chaque matin
(niveau CEI-2). les autres bénéficient d'une heure par
jour ! Le reste du temps, les enfants sont occupés à
des activités d'inspiration scolaire entre autres. conduites
par des éducateurs spécialisés, sans
référence à une véritable progression,
encore moins à une stratégie pédagogique.
Les observations faites pour l'enseignement général valent pour l'enseignement professionnel. Dans plusieurs établissements visités. des sections d'initiation professionnelle ont été ouvertes pour des adolescents qui à 14 ans n'ont pas appris à lire. Ces sections constituent un point de départ vers le monde professionnel grâce à des stages de découverte, et parfois un tremplin cour une orientation vers un apprentissage extérieur.
La plupart du temps. les établissements disposent d'ateliers dans lesquels une formation professionnelle est dispensée par des éducateurs techniques spécialisés. Des observations effectuées, il ressort que cette formation est, globalement d'un niveau relativement modeste. Les visites réalisées dans les ateliers ont enregistré une impression décevante d'activités "occupationnel les". conduites de manière empirique. sans progression ni objectif véritable. sinon celui de produire des objets fabriqués ou des prestations de service pour l'établissement. L'absence de lien avec les avec les activités de classe a été constatée et déplorée.
Ici le problème est réel. Certes. comme nous le déclare un directeur d'établissement. " si les élèves pouvaient suivre une formation professionnelle ils ne seraient pas là " et d'ajouter " (on apprend aux jeunes ce qu'est le travail et on montre aux parents que l'adolescent peut se débrouiller dans la vie sans forcément savoir lire ", mais entre ce qui s'apparente à du bricolage et une formation professionnelle diplômante. il y a place pour une formation qualifiante favorisant l'intégration du jeune dans le monde du travail. Un inspecteur d'académie a témoigné de succès spectaculaires dans un IMPRO pour adolescents en très grande difficulté, se soldant par un apprentissage consistant au travail, suivi d'insertions réussies. La visite effectuée dans l'établissement corrobore en tous points ces déclarations
Trois raisons majeures semblent expliquer cette relative indigence de la formation professionnelle en établissements spécialisés :
- le niveau de qualification des éducateurs techniques spécialisés ne paraît pas suffisant. Ce point a été évoqué à plusieurs reprises. Une directrice d'établissement nous déclare " on nous avait promis des professeurs techniques. on n'a eu que des éducateurs techniques spécialises qui apprennent des gestes. . . La formation professionnelle de nos jeunes devrait être faite à l'extérieur, en SEGPA ou en CFAS ". Ce point de vue est renforcé par le psychologue de l'établissement qui considère que les adolescents ont, hors du champ des apprentissages scolaires. des compétences qui sont insuffisamment exploitées.
- Les formations dispensées
sont celles qui ont été retenues au moment de la
création des établissements. mais elles ne sont pas
nécessairement en lien avec les besoins actuels ni en phase
avec le milieu environnant. Un directeur reconnaît que " certaines formations
ne correspondent ras aux emplois. même en milieu
protégé, mais il est difficile de les transformer car
des suppressions de postes poseraient des problèmes humains ".
Il est ainsi surprenant de constater que l'avenir des Jeunes
handicapés dépende étroitement du confort des
adultes professionnels !
- L effet de filière
est assez manifeste à ce niveau de formation. La directrice de
l'établissement citée plus haut témoigne du fait
que les éducateurs techniques préparent assez
massivement les adolescents à rejoindre le CAT le plus proche.
Il a été remarqué que certaines
associations gestionnaires d'établissements, qui couvrent
l'ensemble de la scolarisation et de la
formation du jeune jusqu'à l'âge adulte. ont tendance
à adopter une économie générale qui
amène le jeune à suivre son cursus dans les
établissements et a trouvé tout logiquement sa place
dans l'atelier protégé ou le CAT de l'association. Un
secrétaire de CDES déclare " À la sortie
des IMPRO les établissements pensent très souvent au
CAT, la CDES résiste. les associations placent
elles-mêmes ces jeunes ".
AU terme de cette analyse. consacrée aux conditions d'enseignement dans les établissements spécialisés, rien n’autorise à porter un jugement globalement négatif sur la formation générale et !a formation professionnelle dont ' Peuvent bénéficier les jeunes handicapés. Les situations sont très diverses : favorables a une bonne scolarisation dans certaines, elles deviennent aberrantes ou inadmissibles dans d'autres. Cependant. en associant les observations faites au cours de cette analyse et. les conclusions tirées de l’analyse des audiences effectuées dans le cadre de l'étude. il est possible de dégager des éléments de compréhension de la situation existante. Ces éléments devront permettre d'amorcer des propositions pour une amélioration de la scolarisation des élèves handicapés.
3. Eléments de compréhension des conditions d'enseignement
Rappelons que la commande ministérielle portait sur l'analyse de l'insuffisance des niveaux d'enseignement et du manque d'ambition dans les formations professionnelles.
À l'issue de cette étude, il est possible de confirmer que le niveau d'enseignement est conditionné, en premier lieu, par la nature et le degré du handicap. La réalité s'impose : lorsque des élèves handicapés sont scolarisés, si leur handicap le leur permet, ils suivent normalement les cours dispensés à leurs pairs avec, si nécessaire, les aides appropriées. Cette observation a été faite non seulement dans les actions d'intégration mais aussi dans les établissements spécialisés. Lorsque certains d'entre eux n'y parviennent pas, malgré les aides prodiguées de toute nature, il faut admettre qu'ils expriment des différences de potentialités disponibles pour les apprentissages scolaires différences qui existent également chez leurs camarades valides, sans préjuger d'acquisitions futures toujours possibles.
Le niveau d'enseignement est conditionné, en second lieu, par l'application des programmes certes, mais aussi par l'adaptation des méthodes et démarches pédagogiques à la spécificité des handicaps. Quel que soit le moment du cursus de l'élève, les programmes nationaux demeurent la référence, mais les adaptations requises peuvent être plus ou moins tien réalisées. Il s'agit là d'un problème de formation des enseignants. Cette préoccupation est cruciale, elle concerne ici seulement la formation des enseignants qui accueillent des enfants ou adolescents handicapés en intégration à tous les niveaux d'enseignement, mais aussi la formation des maîtres spécialisés qui ne répond pas toujours aux besoins exprimés. Des dispositions importantes devraient être prises dans ce domaine.
Le niveau d'enseignement est conditionné, en troisième lieu, par la mobilisation dit directeur ou du chef d'établissement autour d'un projet scolaire. Les observations réalisées ont révélé le rôle essentiel du responsable des structures, ordinaires ou spécialisées. L'enseignement est de qualité quand ce responsable sait impulser des exigences, une dynamique autour de la prise en charge scolaire des jeunes, et sait aussi établir des relations fonctionnelles avec des personnels des services de soins spécialisés qui apportent leur concours. Ce point peut être traité à travers la formation des chefs d'établissement mais aussi dans le cadre de leur recrutement.
Le niveau d'enseignement est conditionné enfin, par la mobilisation des moyens nouveaux apparus en personnels et en matériels. Chaque fois qu'il est fait référence à l'intervention des aides éducateurs de l’Education nationale ou des emplois-jeunes recrutés par le milieu associatif, les performances scolaires des élèves sont soulignées. De même, l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication constitue une amélioration considérable des conditions d'enseignement, l'impact sur le niveau est indéniable.
Le manque d'ambition dans les formations professionnelles est relevé, avec des nuances, uniquement dans certains établissements accueillant des adolescents handicapés mentaux. Certes. les exigences dans ce domaine peuvent être liées au niveau de formation des personnels qui en ont la charge, mais ce facteur doit être croisé avec d'autres paramètres exposés ci-dessus. En tous cas, il est regrettable que les personnels chargés de la formation professionnelle ne soient pas conseillés, évalués, et perpétuent des situations préjudiciables à l'avenir des jeunes.
D’une manière générale, le problème
de l'expertise des niveaux d'enseignement ni et de la formation
professionnelle est posé. Dans l'enseignement primaire,
lorsque les élèves handicapés sont en
intégration dans les classes ordinaires, l’inspecteur de
circonscription, signataire de conventions d’intégration, est
tenu d'évaluer, au cours de ses inspections - et il le fait -
le niveau d'enseignement dont bénéficient les
élèves.
Dans le second degré, il est manifeste que cette
expertise n'est pas réalisée, de manière
spécifique, par les inspecteurs d'académie-inspecteur
pédagogiques régionaux. À ce niveau
d'enseignement. un travail important est à prévoir.
Dans les établissements spécialisés,
l'inspecteur de l’Education nationale chargé de l'AIS est
responsable de l'animation et de l'inspection des instituteurs
spécialisés. L'animation pédagogique n'est pas
toujours facile, souvent le directeur d'établissement rechigne
à libérer le; enseignants perdant deux journées
d'information et de formation. La position de l'inspecteur n'est pas
toujours aisée face au directeur et aux équipes
médico-éducatives. Mais l'inspection est un acte
institutionnel et elle est réalisée. Il est regrettable
que l'inspecteur ne puisse avoir un impact sur la formation
professionnelle. Cette situation pourrait être
réglée si une évaluation des
établissements était prévue, de manière
conjointe, inspecteur de l’Education nationale chargé de l’AIS
- inspecteur des Affaires sociales chargé de la tutelle. Une
telle évaluation pourrait voir la participation de
l'inspecteur de l’Education nationale chargé de l'enseignement
technique pour l'inspection du secteur " formation
professionnelle ".