INTEGRATION SCOLAIRE

SITE INTESCOL

 

ARTICLE PARU DANS LA Nouvelle Revue de l'AIS N°6 juin 1999

Merci à M Daubannay IEN AIS Clermont-Ferrant

d'avoir bien voulu autoriser la publication de son article dans le site Intescol

 

 

ECOLE DE TOUS, ECOLE POUR CHACUN:

La scolarité en Catalogne

M Daubannay

 

PROJET FORMADIR Barcelone, 23-27 septembre 1998

 

COMENIUS ACTION 3.1 26458 CP-2-97-1-FR-C31

 

groupe composé de 5 professionnels de l'Éducation (1 GB et 4 F)

 

références des rencontres et visites, supports du présent rapport

utilisé dans le rapport

lieu des rencontres et visites

dates

thèmes

(a)

Ministère de l'Enseignement (Departament d'Ensenyament) de la Généralité de Catalogne

mercredi 23 sept. 1998

présentation du système éducatif et de l'intégration scolaire

(b)

Ecole primaire (CEIP) Can Palmer (Viladecans)

jeudi 24 sept. 1998

scolarité ordinaire et spéciale,intégration

(c)

Ecole secondaire Mestres Busquets (Viadecans)

jeudi 24 sept. 1998

idem et formation professionnelle

(d)

Ecole secondaire Mestres Busquets (Viadecans)

jeudi 24 sept. 1998

rencontre avec des services spécialisés externes et internes aux centres scolaires

(e)

Ecole secondaire de Sabadell

vendredi 25 sept. 1998

scolarité ordinaire et spécialisée, enseignement modulaire et intégration

(f)

Ecole secondaire Joan Oliver (Sabadel)

vendredi 25 sept. 1998

idem et interventions des services spécialisés

(g)

Centre d'Éducation Différenciée ASPASIM (Barcelone)

vendredi 25 sept. 1998

prise en compte d'enfants et d'adultes lourdement handicapés

(h)

Centre Marti Codolar (Barcelone) - lieu d'hébergement des stagiaires -

samedi 26 sept. 1998

synthèse autour des thèmes du séjour d'étude

SOMMAIRE

 

1. Intérêt d'une législation incitative, répercussions sur les actions de terrain (a)

2. L'école obligatoire jusqu'à 16 ans : ses effets dans le sens de l'intégration

3. L'organisation de "l'attention à la diversité" dans chaque établissement (a)

4. Le second degré : une organisation souple et modulaire qui profite à tous et donc à l'intégration des "élèves à besoins spécifiques" (a, c, d, e, f)

5. Les aspects du dispositif pouvant servir de référence (a, e)

6. Les limites d'une centration sur la seule scolarité

7. Intérêts et ambiguïtés du recours aux "Centres d'éducation différenciées" (g)

8. Les parents : une place à définir et à reconnaître (a, h)

9. Une dynamique d'ensemble dans laquelle sont impliqués les corps d'inspection (h)

10 Conclusion

 

1. Intérêt d'une législation incitative, répercussions sur les actions de terrain (a)

(1 Les lettres renvoient aux rencontres et visites énumérées dans le tableau de la première page)

Depuis 1990, une loi organique (2 "Loi d'organisation générale du système éducatif" du 3 oct. 1990, dite "LOGSE") recompose l'ensemble du système éducatif espagnol dans ses diversités territoriales. Certaines régions demeurent sous la responsabilité d'un ministère rattaché au gouvernement central (Ministère de l'Éducation et de la Science, "MEC"). D'autres, comme la Catalogne, ont l'obligation de la mettre en œuvre sous leur propre responsabilité, dans le cadre des attributions de leur gouvernement autonome (à Barcelone, la Generalitat).

Comme d'autres pays européens à la même époque (France, Portugal, etc.) l'Espagne s'est ainsi dotée d'un texte fondateur qui s'applique à l'ensemble d'une population, à priori sans exclusives. Dans le même mouvement sont ainsi considérés tous les jeunes quels que soient leur origine, leur sexe, leurs difficultés au regard de la vie, de la maladie ou du handicap par exemple.

Dans le même temps, les Nations Unies et la Commission européenne ont avancé des suggestions, incitations et propositions pour que tous les gouvernements agissent afin de promouvoir une Ecole plus intégrative.

Ces éléments - loi espagnole, incitations internationales et européennes - conjugués à une percée économique, sociale et culturelle importante sur un temps relativement court ont fait que la Catalogne a mis en œuvre une politique intégrative plus rapidement que d'autres régions en Espagne et d'autres pays en Europe. Comme si l'expérience des uns, combinée à la volonté nationale et territoriale, avait permis de rattraper, voire de dépasser, des états engagés depuis beaucoup plus longtemps dans une politique "d'Ecole pour tous".

Les mises en œuvre de cette politique s'appuient sur deux notions complémentaires :

- l'attention à la diversité (3 Atención a la diversidad, définie dans la LOGSE), qui postule que tous les jeunes sont différents et doivent recevoir un enseignement dont chacun d'entre eux est le point de départ,

- la reconnaissance que certains jeunes ont des besoins particuliers (4 Niños con necessidades educativos espaciales (NEE), "enfants présentant des besoins éducatifs spécifiques")qui doivent être pris en compte au sein de la structure scolaire, avec les compléments nécessaires.

Le ministère catalan de l'enseignement a édicté plusieurs dispositions réglementaires. Ainsi, un décret stipule-t-il que "tous les établissements scolaires ont vocation à devenir établissements d'intégration".

D'autres textes publiés en Catalogne ont pour but de faciliter la mise en place de l'école pour tous (par exemple : le decreto de 1992, l'orden de 1993). Ce sont, en l'occurrence, des dispositions générales destinées à organiser l'enseignement du second degré pour l'un et l'évaluation dans le premier degré pour l'autre. Ces deux textes pointent ce qui peut permettre à tous les élèves, y compris ceux qui ont des besoins spécifiques, de bénéficier d'un enseignement en milieu ordinaire.

Trop souvent, dans d'autres pays, l'intégration apparaît comme une démarche exceptionnelle parfois liée à la bonne volonté des responsables de structures scolaires ("l'intégration ne se décrète pas" entend-on, y compris en France). En Catalogne, elle est décrétée. Ou plutôt, les écoles ont l'obligation, avec l'aide des structures spécialisées, de l'administration scolaire et des corps d'inspection, de recevoir tous les jeunes, y compris ceux qui sont porteurs de handicaps. Ainsi se trouvent combinées deux notions : celle d'obligation scolaire et celle d'intégration. Le fait d'aller à l'école, c'est normal, habituel, souhaitable… Le fait de ne pas y aller, c'est exceptionnel.

 

La lourdeur et l'opacité des procédures, les différences observables entre les départements, tout cela renforce l'idée qu'en France l'intégration, c'est l'exceptionnel, la règle étant qu'un jeune handicapé se voit, d'abord, proposer une solution spécialisée. Dès lors, il s'agit beaucoup plus de réfléchir à des procédures de réintégration il faudrait désormais développer la notion de scolarité intégrée qui aurait l'avantage de rappeler que l'enseignement en milieu ordinaire est obligatoire et que c'est aux structures scolaires d'organiser les adaptations nécessaires, éventuellement en partenariat avec d'autres services et compétences que les leurs.

Même si des zones d'ombre doivent être évoquées, la ligne politique scolaire -et politique tout court- rappelée en permanence et suivie en Catalogne mérite d'être soulignée.

 

2. L'école obligatoire jusqu'à 16 ans : ses effets dans le sens de l'intégration

Élément déterminant, la loi organique royale de 1990 (LOGSE) prévoit que l'âge limite de l'obligation scolaire est porté de 14 à 16 ans. Si l'on considérait qu'une scolarité primaire, éventuellement prolongée, pouvait convenir à des jeunes en grande difficulté ou porteurs de handicaps, il n'en est plus de même avec l'obligation d'organiser désormais une école secondaire pour tous. Cette construction faite aussi à partir de l'expérience d'autres pays, a, semble-t-il, permis à la Catalogne d'avancer beaucoup plus vite qu'ailleurs ( Ainsi, le collège unique est-il toujours en construction en France depuis l'ordonnance de janvier 1959) . Cependant, des écoles primaires (b) continuent de scolariser des adolescents handicapés mentaux en leur proposent, bien au-delà de 12 ans, des activités de formation professionnelle apparemment de qualité dans le domaine de la restauration et du service.

Cette survivance traduit bien un engagement ancien de l'école en direction des jeunes handicapés. Mais il indique aussi, comme dans de nombreux pays encore, une assimilation abusive entre une personne et les compétences qu'elle a acquises à un moment donné de sa vie. Le fait de constater que ces compétences n'ont que peu de rapport, parfois, avec celles atteintes statistiquement par la plupart des élèves du même âge, a induit l'idée que si l'on devait, certes, continuer à scolariser ces jeunes porteurs de difficultés d'apprentissage majeures, ce pouvait être au sein de structures dont les élèves ont des performances comparables, c'est à dire dans les écoles primaires . ( On pourrait faire le même type de remarques pour des jeunes qui, en France, sont accueillis, orientés ou maintenus en structure médico-sociale : du statut de la structure découle celui des personnes qui y sont accueillies. On est, ainsi, handicapé étant enfant, handicapé étant adolescent, handicapé étant adulte. Une rupture possible serait de passer du ou au et. On peut avoir des besoins particuliers, liés à une difficulté majeure, un handicap, une situation spécifique… et être un enfant ou un adolescent, donc aller à l'école, au collège, etc.)

L'évolution des réflexions pédagogiques actuelles incite à travailler beaucoup plus sur les situations qui peuvent être proposées aux jeunes et sur les lieux dans lesquelles elles se déroulent. Il s'y passe nécessairement autre chose : les élèves sont alors considérés comme des élèves, et pas seulement comme des "porteurs de difficultés". Ils vivent des situations dans un cadre de vie correspondant à leur âge. Maintenir dans une structure pour enfant c'est aussi maintenir un statut d'enfant.

 

De tels dispositifs continueront, pendant un temps au moins, à fonctionner en Catalogne, mais vraisemblablement en se rapprochant ( Cf. la démarche initiée aux Pays-Bas "weer samen naar schul" : "de nouveau ensemble à l'école") progressivement de structures clairement repérées comme relevant du second degré et donc destinées à priori à accueillir tous les adolescents.

 

3. L'organisation de "l'attention à la diversité" dans chaque établissement (a)

Chaque école, primaire ou secondaire, est tenue d'animer une commission chargée de la mise en place concrète de "l'attention à la diversité" afin d'organiser la scolarité des enfants porteurs de handicaps ou présentant des difficultés d'apprentissage, quelle qu'en soit l'origine. Elle comprend l'équipe de direction, le(s) professeur(s) de soutien de l'établissement, des représentants de l'équipe psychopédagogique (EAP) et des enseignants.

L'EAP est un organisme autonome relevant du Ministère catalan de l'enseignement. Composée de 4 à 10 professionnels : psychologues, pédagogues et travailleurs sociaux, elle couvre un secteur géographique donné et n'appartient donc pas directement aux établissements scolaires.

"L'équipe psychopédagogique" joue un double rôle :

· en direction des enfants et des familles (analyse des difficultés et propositions de réponses en terme de projets individuels et d'orientation) ;

· en direction des enseignants de l'école ("guidance pédagogique", conseils et accompagnement).

 

Le dictamen (forme de "projet individuel") est élaboré par l'EAP, avant le début de l'année scolaire, pour chaque élève en situation d'intégration. C'est un document de 8 pages qui décrit les adaptations nécessaires sous la forme d'un programme pédagogique incluant les temps d'interventions de spécialistes.

Avant d'être présenté aux parents, quatre domaines sont abordés sous la rubrique "évaluation des possibilités de l'élève" :

· l'autonomie personnelle et sociale,

· les compétences dans le domaine de la communication,

· les types d'acquis scolaires réalisés/réalisables et leur niveau,

· les conditions à mettre en œuvre pour faciliter le développement des apprentissages.

L'EAP signale un "degré global d'adaptation nécessaire du cursus", estimé de 1 (modification la plus légère) à 5 (modifications très importantes).

En signant le dictamen, les parents manifestent leur accord sur l'une des écoles proposées (théoriquement au nombre de 3). Il revient à l'établissement scolaire choisi de mettre en œuvre le projet ainsi défini, en collaboration avec l'EAP.

 

Par ailleurs, d'autres services spécialisés dans la prise en charge des handicaps sensoriels ou moteurs peuvent intervenir dans les centres scolaires. Leurs statuts sont très divers (publics, parapublics ou privés de type associatif). Ils interviennent toujours dans le cadre d'indications validées par les instances d'administration et d'inspection scolaires.

 

Dans ce cadre, la ONCE , (Association nationale pour les aveugles en Espagne. Elle possède le monopole de la vente des billets de loterie et est connue en tant que sponsor d'une équipe de cyclisme participant au Tour de France) véritable institution en Espagne sans équivalent en France, est incitée à collaborer à la mise en œuvre de projets intégratifs qui ne concernent plus uniquement les aveugles.

 

 

4. Le second degré : une organisation souple et modulaire qui profite à tous et donc aux "élèves à besoins spécifiques" (a, c, d, e, f)

La mise en œuvre dynamique et volontariste de la LOGSE en Catalogne a conduit à la généralisation de la scolarité de tous les jeunes jusqu'à 16 ans. Deux points complémentaires paraissent essentiels :

· les démarches pédagogiques mises en place ont des répercussions sur les structures (et inversement). Sur la base d'une trentaine d'heures/semaine à l'école secondaire, chaque élève bénéficie d'au moins quinze heures au sein d' un "groupe de classe d'âge de référence". Tout le reste de l'emploi du temps se déroule en regroupements choisis ou négociés en fonction des souhaits ou des besoins de chacun ;

· les jeunes à besoins éducatifs spécifiques bénéficient de cette organisation qui fait alterner les moments de classe, les temps en petits groupes et, pour certains, les prises en charge scolaires spécialisées individuelles ou en groupes très restreints.

 

Un exemple : l'école secondaire Sabadell (5)

L'Institut d'Éducation Secondaire (IES) Sabadell reçoit dans le cadre de la scolarité obligatoire un peu plus de 500 élèves originaires de 3 écoles du secteur. De plus, le ministère l'a désigné pour recevoir des jeunes porteurs de divers handicaps qualifiés de "graves" (moteurs, mentaux et sensoriels). Ils sont 26 au moment de la visite.

 

Les enseignants sont conscients d'une difficulté majeure tenant au nombre d'intervenants. Un enfant en très grande difficulté peut avoir à rencontrer près d'une vingtaine de professionnels différents au cours de la semaine ! Avantage : cet enfant appartient à une classe d'âge (30 élèves) avec laquelle il passe au moins la moitié de son temps. Comme les autres, il bénéficie de regroupements choisis ou négociés (décloisonnements, soutiens divers, attention individuelle, etc. - voir schéma ci-après -).

 

L'attention à la diversité est organisée de la manière suivante :

 

cursus suivi

types de regroupements

nombre d'élèves concernés

pourcentage (rapport élèves concernés/ total de l'école)

nombre d'élèves par types de regroupements

1

cursus "ordinaire et commun"

classe ordinaire

cours communs 1

503 élèves

100%

30 élèves

2

cursus "ordinaire et commun"

classe ordinaire

cours communs 2

503 élèves

100%

20 élèves

3

cursus "ordinaire et commun"

"crédits variables

503 élèves

100%

moins de 20 élèves

4

cursus "adapté"

renforcement dans les disciplines

120 élèves

24%

de 10 à 15 élèves

5

cursus "adapté"

cursus renforcement global ("transversal")

60 élèves

12%

de 8 à 12 élèves

6

cursus "adapté"

Unité d'Attention au Cursus (UAC)

20 élèves

4%

de 8 à 10 élèves

7

cursus "adapté"

groupe réduit

14 élèves

3%

de 2 à 4 élèves

8

cursus "adapté"

attention individuelle

3 élèves

0,6%

1 élève

 

On peut ainsi comprendre qu'une organisation générale (ici, celle d'un collège) bénéficie à tous les élèves quels que soient leurs réussites, leurs difficultés ou leurs besoins particuliers.

 

5. Les aspects du dispositif pouvant servir de référence (a, e)

A la lumière d'une telle organisation, quelques aspects pourraient sans doute permettre une évolution positive dans un sens plus intégratif pour d'autres pays européens.

1. L'intégration se décide. C'est une décision qui regarde les autorités scolaires nationales (ici, l'État espagnol et le ministère de l'enseignement de la Catalogne) ;

2. Toutes les écoles sont censées recevoir, à priori, l'ensemble des jeunes d'un secteur géographique donné ;

3. Les équipes spécialisées extérieures ( Ces équipes correspondraient en France, pour une part ou en totalité, aux services offerts par les réseaux d'aides, les CIO et les services de type SESSAD, centres de jour, etc.) aux établissements conseillent à la fois l'enfant et sa famille, les instances scolaires responsables du secteur (administration locale et inspection) et les enseignants des écoles concernées ;

4. Dans le cas où l'évaluation de la situation d'un jeune plus particulièrement handicapé conduit à l'élaboration d'un projet impliquant des professionnels très spécialisés, l'administration scolaire indique le ou les établissements qui doivent recevoir l'élève ;

5. En fonction des besoins repérés, des actions de formation des personnels scolaires peuvent être mises en place à l'initiative de l'équipe de direction de l'école et des instances scolaires locales (administration et inspection).

6. Les limites de dispositifs centrés sur la seule scolarité

 

L'absence, apparemment délibérée, de professionnels de santé dans les dispositifs mis en place interroge. La volonté de ne pas médicaliser les difficultés ou le handicap est évidente. Cependant, on peut craindre deux dérives :

· les aspects scolaires risquent, seuls d'être pris en compte pour le diagnostic et les adaptations, ce qui peut masquer d'autres difficultés sur le plan comportemental ou de la personnalité ;

· certains enfants peuvent alors apparaître extrêmement éloignés d'une norme scolaire même très adaptée et être dirigés vers les secteurs du soin ou de "l'éducation différenciée", très cloisonnés, à l'intérieur de limites plus nettement marquées.

 

Les défaillances parfois observées dans le système français (Voir aussi l'organisation italienne qui fait intervenir les Unités Locales Sanitaires et Sociales (ULSS) aux côtés du système scolaire) des commissions spécialisées ne doivent cependant pas faire oublier que la conjonction et la confrontation des points de vue exprimés par des professionnels de fonctions très différentes y est possible et nécessaire. La relecture des textes fondateurs( Circulaire conjointe de 1976 relative aux commissions spécialisées créées par la loi d'orientation de 1975 "en faveur des personnes handicapées") confirme bien que les premières indications données avaient pour objet de réfléchir de manière pluridisciplinaire aux conditions à mettre en œuvre pour permettre à un enfant de vivre sa vie d'enfant comme les autres, dans un environnement - incluant l'école - qui lui soit le plus proche et le plus ordinaire possible -.( Dès 1979, l'accent a été mis sur l'intérêt de généraliser les pratiques de collaboration des inter secteurs de psychiatrie infanto-juvénile avec les commissions spécialisées de circonscription, au plus près des familles et des jeunes)

 

A cet égard, le rôle de garant que jouent les commissions en France est fondamental et sans doute original. Le fait que les équipes spécialisées de Catalogne, dont les "EAP", remplissent aussi cette fonction par rapport aux institutions, aux enseignants et aux familles crée peut être une confusion et ne contribue pas à éclaircir la situation dans laquelle se trouvent les parents des enfants dont il est "décidé" qu'ils ont des besoins spécifiques.

7. Le recours aux "centres d'éducation différenciées" : une nécessité, des contradictions (g)

Le centre géré par une association de parents (l'ASPASIM) est situé sur les hauteurs de Barcelone, à proximité d'un nombre impressionnant d'écoles privées apparemment luxueuses. Indéniablement, le centre remplit une fonction indispensable. Les jeunes et les adultes qui y sont admis sont porteurs de handicaps physiques et psychiques graves ou de polyhandicaps très invalidants. Le projet, porté par une équipe dynamique et engagée, en fait un lieu de visite apprécié. Deux remarques :

· Il est paradoxal de constater que le Centre s'efforce de proposer des temps de scolarité extérieure à certains des jeunes reçus. Ne serait-il pas plus simple de transformer une partie de l'établissement en centre de ressources pour les élèves à besoins très particuliers d'une partie de l'agglomération ? Nous nous trouvons, comme dans certains cas en France, dans une perspective de réintégration lorsque des élèves sont orientés en IMP-IMPro. et peuvent ensuite bénéficier de temps scolaire ou de formation dans une école ou un collège. Compte tenu de la politique et des volontés intégratives existant en Catalogne, le maintien de structures hautement spécialisées, conduisant de fait à écarter très tôt certains enfants des circuits plus ordinaires, ne manque pas d'interroger.

· Il n'y a pas d'âge limite à la présence au Centre. Ainsi, de jeunes enfants peuvent côtoyer quotidiennement et tout au long de la journée des adultes lourdement handicapés dont certains ne pratiquent que des activités occupationnelles très stéréotypées.

 

Cet aspect de l'organisation des choses ne peut que questionner le visiteur, confronté dans son propre pays aux difficultés nées de l'application de l'amendement Creton , (Qui devait, au départ, servir transitoirement à résoudre le problème de la prise en compte des adultes handicapés restés sans solutions à l'issue de leur passage dans une structure spécialisée agréée pour recevoir des enfants ou des adolescents) par exemple. L'absence d'une identification claire de secteurs nettement distincts suivant les âges conduit à une confusion des lieux, des professionnels, des objectifs et des démarches. Tout semble joué d'avance et la "prise en charge globale" se traduit par la présence, dans un même lieu, d'enfants, d'adolescents, puis d'adultes pour une très longue période.

La transition vers la mise en place de dispositifs souples et évolutifs peut s'en trouver durablement bloquée alors que de tels dispositifs auraient l'avantage de pouvoir proposer à chaque personne des situations variées, tenant compte des différents âges de la vie. On peut en effet penser que, dans ces situations, la personne agit et réagit de manière différenciée et a plus de chances ainsi de développer des stratégies d'apprentissage du monde et des relations humaines.

8. Les parents : une place à définir et à reconnaître (a, h)

Institutionnellement, les familles ne semblent pas avoir une place reconnue ni dans un dispositif partenarial autour de leur enfant, ni comme entité pouvant s'organiser par le biais d'associations reconnues. Les relations sont souvent décrites comme interindividuelles, à quelques notables exceptions qu'il convient de souligner et d'apprécier positivement.

 

Des points susceptibles de générer des évolutions positives (h)

1. vers une "école des parents"

Dans certains quartiers difficiles ou pour faciliter les relations avec les groupes de familles gitanes, par exemple, des activités périscolaires sont proposées aux adultes portant sur la santé, la nutrition ou l'orientation des jeunes. Un programme d'accueil des parents est parfois mis en place pour permettre la rencontre avec les intervenants scolaires.

2. l'aide à la résolution des conflits

L'institution scolaire (écoles, inspection) recherche la collaboration d'intermédiaires pour faciliter les relations avec certaines familles. "Personne de confiance" appartenant au milieu (quartier ou groupe de familles), elle peut contribuer également au développement d'actions éducatives : accès au livre, attention aux différences culturelles, amélioration des conditions d'hygiène, etc.

 

3. rôle particulier de l'inspection

Chaque année, les services de l'inspection scolaire organise une rencontre avec les différents groupements familiaux représentant telle ou telle catégorie de handicap ou d'inadaptation. Dans les conflits entre des parents et une école, ces services remplissent une double fonction de rappel de la norme et d'arbitrage en cas de besoin.

 

4. les parents et le projet individuel

Une fois par trimestre, une information est faite sur l'évolution individuelle des enfants à besoins spécifiques, sans que le document de référence (le "dictamen") soit considéré comme un contrat liant formellement deux parties. Il s'agit essentiellement de faire le point et d'aider la famille dans son rôle éducatif à la maison. Cette forme de travail semble intermédiaire avec ce que nous connaissons en France avec les commissions spécialisées : les possibilités d'interventions de la famille, de prise de parole autonome paraissent restreintes. Le modèle demeure prescriptif et n'offre que peu de possibilités de recours institutionnalisées.

 

 

 

9. Une dynamique d'ensemble dans laquelle sont impliqués les corps d'inspection (h)

Tous les inspecteurs ont en charge la globalité de l'organisation éducative dans un secteur géographique déterminé. Leur rôle porte donc d'abord sur le système avant de porter sur les personnes qui le font fonctionner. Leurs missions s'exercent donc en direction des écoles élémentaires et secondaires "obligatoires". Elles s'exercent aussi en direction des écoles maternelles lorsqu'elles existent. La formation secondaire non obligatoire (après 16 ans) et la formation professionnelle relevant du ministère de l'enseignement sont également placées sous leur responsabilité.

 

Cette évolution est récente (2 ans) et correspond à la prolongation de la scolarité. Dans ce cadre, les inspecteurs doivent accompagner toutes les structures -écoles primaires et secondaires, écoles professionnelles- afin de faciliter leur adaptation en fonction des particularités de tel secteur géographique à couvrir et des besoins particuliers de certains élèves.

 

Trois grandes missions sont assignées à l'inspection dont le fonctionnement collégial est à souligner :

- le contrôle de l'application des directives de la Généralité et de son Département de l'Enseignement,

- l'aide et la guidance des écoles,

- l'évaluation.

 

Quelle que soit sa "spécialité" d'origine, chaque inspecteur remplit les mêmes missions dans un secteur géographique qui lui est attribué pour cinq ans. Quatre-vingts inspecteurs se partagent l'aire géographique de la capitale (quarante pour la ville de Barcelone, quarante pour la grande agglomération). L'accent est mis sur le travail à conduire dans et avec les établissements primaires, secondaires, professionnels ou spécialisés. Ainsi, l'inspecteur doit-il coordonner l'attribution de moyens particuliers en fonction des besoins de certains élèves (interventions des équipes psychopédagogiques, des services pour jeunes sourds ou jeunes déficients visuels, etc.). Le point de vue de l'inspecteur est requis pour l'inscription d'un jeune "à besoins spécifiques" et pour l'élaboration de son projet individuel.

 

Dans le cas d'une inspection individuelle, l'inspecteur du secteur peut être accompagné d'un collègue compétent dans la discipline enseignée par le professeur.

 

L'organisation de la formation des personnels est du ressort des inspecteurs qui président une commission spécifique rassemblant les enseignants, les représentants des collectivités locales et des équipes spécialisées. Cet aspect est fondamental dans une perspective intégrative, tous devant réellement se sentir concernés par la prise en compte de l'ensemble des élèves d'un secteur géographique donné. Les demandes de formation émanent des écoles et concernent par exemple les problèmes de violence, les besoins éducatifs spécifiques à tel élève ou à telle catégorie de jeunes, la prise en compte de l'immigration, les relations avec les parents, etc.

 

Un "plan pour l'évaluation" des centres scolaires a été élaboré collégialement par les inspecteurs. Il aborde les points suivants qui sont systématiquement étudiés lors de l'inspection d'une structure scolaire :

- prise en compte de "l'attention à la diversité",

- projet et objectifs de la structure scolaire,

- fonctionnement du conseil de direction et d'établissement,

- élaboration du plan de formation,

- etc.

 

Conclusion

Il est difficile de prétendre à l'exhaustivité compte tenu de la durée du séjour et de la multiplicité des informations reçues.

Quelques aspects peuvent cependant être relevés, soit qu'ils posent question, soit qu'ils constituent des réponses novatrices. S'ils apparaissent comme des traits particuliers à la Catalogne, on peut penser qu'ils mériteraient certainement d'être développés à l'occasion de la poursuite du programme en cours ou du développement d'autres programmes sur le même thème.

 

1) des questions possibles

a) quelle place reconnaître aux parents des enfants "à besoins particuliers", à la fois sur le plan individuel et sur le plan collectif (associations de parents d'élèves ou de personnes handicapées) ?

b) comment associer les services, les personnels appartenant au secteur du soin et de la santé mentale, aux procédures d'intégration et, plus généralement, de suivi global des projets impliquant école, enfants et parents ?

c) en conséquence, quelle type d'instance serait-elle susceptible de garantir la mise en place et le déroulement du projet individuel (mise en œuvre, évaluation, continuité…) pour chaque enfant et adolescent en difficulté ou handicapé ayant des besoins éducatifs particuliers ?

 

2) des pistes offrant des perspectives positives

a) décider au niveau central d'organisation du système scolaire que la scolarité intégrée de tous est la règle et prévoir, au niveau local, les conséquences diverses en termes de dispositifs scolaires et spécialisés, d'information et de formation, de coordination et de complémentarités, etc.

b) généraliser, dès la fin de l'enseignement primaire, la mise en place d'un enseignement modulaire, tenant compte tout à la fois des nécessités liées à l'enseignement fondamental que doit recevoir et intégrer chaque jeune (au sein d'un groupe classe) et des adaptations possibles/nécessaires correspondant aux souhaits ou aux besoins de chaque élève avec ou sans besoins particuliers ;

c) encourager la présence dans les classes ordinaires d'enfants porteurs de handicaps graves ou sévères, au moins à temps partiel, dans tous les degrés d'enseignement ;

d) faciliter les continuités en associant plus étroitement les écoles primaires et secondaires d'un secteur géographique donné et en organsinant les actions de formation indispensables ;

e) renforcer la mission générale des corps d'inspection dans le sens du soutien aux équipes, de l'aide à l'élaboration de projets d'établissements dans un secteur géographique donné et ce sur toute la durée de la scolarité obligatoire, en incluant la période préscolaire et postscolaire (formation professionnelle, aide et accompagnement de l'insertion).

M Daubannay IEN AIS Clermont -Ferrand

 

 

Francité 

 

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